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Oreille cassée, j'écoute? - La Petite Étincelle ÉCOopération

Source: Première de couverture de « Les aventures de Tintin – L’oreille cassée », Hergé, 1937

Dans les 8 compétences du coach professionnel ICF (International Coach Federation), l’écoute active apparaît dans la thématique « Communiquer efficacement » et est citée comme une des compétences clés du coach: « [le coach professionnel] est attentif à ce que le client dit et ne dit pas pour soutenir l’expression personnelle du client en tenant compte de son contexte systémique ».

Argh ! Damn it…je suis perdu ! Pourquoi donc, me direz-vous cher lecteur / lectrice? Et bien, pour la simple raison que je suis sourd .

En effet, à l’âge de 25 ans, je suis atteint d’une surdité unilatérale brusque (SUB) qui me prive de 75% de l’audition de mon oreille gauche par la perte irrémédiable de cellules auditives et m’afflige d’acouphènes aussi présents que fracassants. Je suis appareillé depuis lors tout en ayant développé une expertise +++ pour : me positionner systématiquement à la gauche de mon interlocuteur sans qu’il/elle s’en aperçoive; réserver des espaces publics aussi peu bruyants que possibles; lire sur les lèvres tout en maintenant mon regard dans celui des autres; comprendre d’après le contexte le sens précis de la conversation; faire oublier mes prothèses auditives etc…

A moitié sourd, à moitié coach ? « Qui veut de mon coaching au rabais ? Pas cher le coaching… »

Plus sérieusement… comment être coach, dont la capacité d’écoute est centrale dans la pratique, tout en étant à moitié sourd ? Et si c’était partie intégrante de mon unicité, et un facteur déterminant dans la création d’intimité avec mes clients ?

Dans son livre l’Intelligence Intuitive, Francis Cholle parle abondamment de l’écoute et nomme le professeur Tomatis : « [pour ce] médecin ORL français et grand spécialiste de l’écoute, auteur d’une méthode mondialement connue pour améliorer l’écoute et la communication, on peut entendre sans écouter. Pour lui, l’audition a deux composantes : le fait d’entendre (sa dimension physiologique) et l’écoute (sa dimension psychologique). S’il est difficile d’influencer la première sans le recours à la médecine, on a en revanche la possibilité d’optimiser la seconde. L’écoute est le résultat d’une attitude psychologique, d’une disponibilité émotionnelle. Lorsque l’on écoute, on choisit de s’ouvrir à son interlocuteur ou non. »

Et ça, cette posture d’ouverture à l’autre, cette reconnaissance pleine et entière de tout ce que le client dit au-delà des mots, je le vis intensément dans mes coaching : si j’entends mal, cela m’oblige à une présence beaucoup plus forte car, c’est à travers tout l’environnement que je vais chercher les signaux qui vont m’aider à appréhender une situation, un système, autrement que par le simple langage verbal. Aussi, j’écoute avec un haut niveau de concentration. Ce qui fait que je suis également centré sur mon interlocuteur, avec une complète attention. Il sent cette présence orientée vers lui, cette prise en compte globale qui invite à créer une relation d’intimité.

Tout l’enjeu pour moi est d’accepter de perdre des mots, lâcher cette illusion de contrôle, pour palper l’inaudible. Et, à chaque fois que j’y suis parvenu, mes retours étaient plus pertinents, les séances plus riches, les avancées plus nombreuses. Alors, je fais le choix de l’unicité en jouant de ce handicap comme d’une opportunité, au service de mes clients.

Quand j’ai appris ma surdité, je travaillais en Italie et j’avais écrit ce court poème :

Alors donc cher lecteur, chère lectrice, ne me plaignez pas ! Être confronté à la surdité, aussi paradoxal que cela puisse paraître, m’a permis de m’ouvrir aux autres, d’y être plus attentif. Ce que j’ai perdu en audition, je l’ai gagné en présence par un travail d’accueil de mon handicap. Ce qui fait de moi un vrai coach professionnel, à part entière.

François Scotti